Publicité Votre publicité ici !

33 ans après la guerre sur le Dniestr : des souvenirs amers des habitants de Coșnița

Le village de Coșnița, situé sur la rive gauche du Dniestr, à environ 40 kilomètres de Chișinău, la capitale moldave, a été l’une des localités défendues dans les combats lors de la guerre pour l’indépendance de la Moldavie en 1992. Près de 400 personnes, dont des policiers et des volontaires, ont défendu leur village menacé par l’invasion des troupes russes en mars 1992. L’écho de la guerre sur le Dniestr ravive aujourd’hui encore des souvenirs douloureux des êtres chers – hommes, femmes, enfants – tués par les armes russes.

A Coșnița, il n’y a pas de villageois qui ne sache ce que signifie la guerre… La tragédie de 1992 a marqué chaque famille. Il y a 33 ans, au mois de mars, on tirait dans les rues, dans les maisons et les cours des gens.

« Le 1 mars 1992 c’était dimanche, le premier jour du printemps. J’étais jeune, j’avais offert des mărțișorset des fleurs aux filles », se souvient Sergiu Pantazii qui était à l’époque policier à Coșnița.

Le vétéran raconte que dans la nuit du 1 au 2 mars le commissariat de police de Dubăsari a été attaqué. Un véhicule blindé stationnait sur le pont de Vadul lui Vodă et des soldats exécutant les ordres de Moscou patrouillaient. Le lundi 2 mars, les rues de Coșnița étaient désertes. Effrayés par ce qui se passait, les villageois ne sortaient pas de chez eux.

« Nous nous sommes rassemblés à la mairie – des policiers, des volontaires. Nous avons décidé de bloquer l’entrée dans le village pour ne pas permettre aux envahisseurs d’entrer. Ils venaient chercher des policiers, des activistes, des gens ayant une certaine autorité dans le village. Ils parlaient russe, on voyait bien qu’ils étaient des colonels russes. Nous avons bloqué le village à mains nues. Des jeunes hommes des villages voisins – Pârîta, Doroțcaia, Pohrebea – sont venus nous aider.

À la télévision, on ne diffusait pas encore des informations sur ce qui se passait chez nous. Nous ne savions pas ce qui allait suivre. Je me souviens qu’un homme est sorti d’un véhicule blindé et a dit : « Давите румын ! » (« Écrasez les Roumains ! »). Les gens étaient indignés », raconte Sergiu Pantazii, aujourd’hui vice-président de l’Association des Vétérans de la guerre de 1992 « Platoul Coșnița ».

Des groupes de défense formés de policiers et de volontaires ont été installés aux entrées du village. Dans la nuit du 13 au 14 mars, le poste de la fabrique de conserves a été attaqué par les forces séparatistes. Le policier Nicolae Sotnicenco a été tué, deux volontaires ont été grièvement blessés et deux autres ont été faits prisonniers.

« Plusieurs villageois sont morts pendant la guerre – le policier Nicolae Sotnicenco et le volontaire Ion Mocanu, ainsi que quatre enfants - l’un a été abattu, les trois autres ont été tués par une grenade. Nicolae Sotnicenco avait quatre enfants, sa femme venait de donner naissance au quatrième  », se souvient Sergiu Pantazii.

Tamara Sotnicenco, la veuve du policier tué, s’est installée à Chișinău avec ses enfants après la guerre, mais elle revient au village pour entretenir le monument érigé à la mémoire de son mari à l’endroit où il a été tué il y a 33 ans.

« Je me souviens qu’à 5 heures du matin ma sœur m’a appelée. Elle ne m’a pas parlé de ce qui s’était passé, probablement pour ne pas me faire peur. Elle m’a dit de m’habiller et d’aller à la mairie. J’ai appelé le chef de la police, mais il m’a dit de venir à l’hôpital où il m’a annoncé que Nicolae n’était plus, se souvient la femme les larmes aux yeux. Je n’y croyais pas… Quand je suis allée à l’hôpital, il ne bougeait plus.

Il ne m’avait jamais dit de mots méchants… Il voulait beaucoup d’enfants, et nous en avons eu quatre – deux garçons et deux filles. Aujourd’hui, l’une de nos filles travaille dans la police, sur les traces de son père.

Personne ne pensait alors que la guerre pouvait commencer. C’était comme aujourd’hui en Ukraine. Qui pouvait y penser ? C’était la paix, Nicolae travaillait dans la police », dit Tamara Sotnicenco.

Après l’attaque de Coșnița, les hommes du village se sont réunis pour défendre leurs familles et leur terre. Beaucoup étaient des volontaires sans armes, animés par le courage, la dignité et le désir de liberté.

« Quand nous avons vu que l’agression augmentait, nous nous sommes armés, mais seuls les policiers recevaient des armes – un fusil pour trois ou quatre personnes. Les autorités de Chisinau ne savaient pas que des combats avaient lieu chez nous. Les envahisseurs tiraient dans le village. Des enfants sont morts, des gens ont été blessés. Certains mouraient de peur, des femmes enceintes faisaient des fausses couches. C’était horrible », se souvient Sergiu Pantazii.

Maria, habitante de Coșnița, se souvient de cette époque-là avec une tristesse profonde dans ses yeux. « C’était effrayant, quand j’entendais les bombardements, c’était comme s’ils frappaient mon cœur. Les larmes coulaient. Pourquoi ce malheur nous est-il arrivé ?, se demande-t-elle. Aujourd’hui, quand j’entends parler de la guerre en Ukraine, j’ai mal au cœur. La guerre, c’est du sang, c’est de la destruction ».

Vladimir Coica, originaire de Coșnița, mais établi à Dubăsari, est venu défendre son village natal dès le premier jour du conflit armé. « Il y avait une grande tension dans le village. Les gens ne savaient pas quoi faire. Nous avons bloqué les routes pour empêcher les étrangers d’entrer. Si nous ne défendions pas ces villages, les envahisseurs seraient arrivés à Chișinău  », affirme le vétéran.

Veaceslav Bordian était policier de secteur à Pârîta. Pendant la guerre sur le Dniestr, il était commandant de peloton. La guerre a été très difficile, raconte le vétéran, car ils devaient souvent faire face à l’incertitude des autorités de Chișinău.

« J’ai mobilisé tous les hommes, 91 habitants du village, et nous avons tenu tête aux Russes. C’était très difficile, surtout que nous ne savions même pas ce que voulaient les autorités. Nous nous battions ici, mais eux se disputaient entre eux, ne sachant pas quoi faire – renoncer à ces villages ou les garder. Grâce à nous, le pays a été sauvé. Doroțcaia, Pohrebea, Pârîta, Coșnița – ces quatre villages, nous les avons sauvés », raconte le vétéran.

Les vétérans de Coșnița disent qu’ils sont prêts à défendre leur pays aujourd’hui encore. Ils suivent avec inquiétude la guerre en Ukraine et les discussions politiques sur un accord de paix.

« Maintenant, les gens sont inquiets, ils ne savent pas à quoi s’attendre. Nous suivons attentivement les discussions concernant l’Ukraine et nous sommes sûrs qu’elles touchent aussi la Transnistrie. Nous avons défendu ces villages il y a 33 ans et nous sont préoccupés. Lors des négociations, des concessions sont faites et nous craignons que ce territoire que nous avons défendu en 1992 ne soit cédé  », affirme Nicolae Talpă, vétéran de guerre.

Selon les données officielles, plus de 40 personnes sont mortes sur le plateau de Coșnița en 1992. Au total, la guerre sur le Dniestr a fait plus de 300 morts, environ 40 disparus et 3 500 blessés.

D’après un article publié sur https://www.moldpres.md/rom/societate/reportaj-cosnita-dupa-33-de-ani-de-razboi-amintiri-dureroase-despre-oamenii-ucisi-de-munitia-ruseasca

Source photos : www.moldpres.md

Le 2 mars 2025

Revenir en haut
Soutenir par un don