Le matin du 19 juin, le général Victor Gusleacov, ancien commissaire de police de Tighina, ainsi que d’autres anciens combattants se sont rendus à la chapelle de Varnița pour commémorer les camarades tués lors des combats à Tighina. Parmi eux, six policiers du commissariat qu’il dirigeait il y a 30 ans, près duquel des combats ont été menés.
Le général Gusleacov : « Tout a commencé par une provocation »
Le général se souvient que, le 19 juin 1992, deux membres de l’armée transnistrienne, dont le major russe Igor Ermakov, sont venus à l’imprimerie située près du commissariat de police. La police leur a demandé les papiers pour un contrôle, mais lors du contrôle il y a eu des tirs d’arme dans leur direction. Les policiers et les deux soldats transnistriens se sont retirés à l’intérieur du Commissariat. Selon le général Gusleacov, à Tighina, comme à Dubasari le 2 mars 1992, l’opération a été un défi lancé par les forces séparatistes dirigées par le colonel russe Yuri Kostenko et le soi-disant ministre de la sécurité de Tiraspol, Vladimir Antiufeev, qui avaient envoyé des soldats armés près de l’imprimerie.
« Toutefois, à Tighina, différemment de ce qui s’est passé à Dubasari, Igor Ermakov n’a pas été tué et nous ne nous sommes pas rendus. En fait, ce n’était pas le premier défi. Le commissariat de police de Tighina a tout d’abord été attaqué le 10 juin 1992, mais nous avons résisté pendant 20 heures et les transnistriens se sont retirés. Le 19 juin, immédiatement après les premières fusillades, toutes les structures de la défense territoriale subordonnées au régime séparatiste sont venues à leur secours. A 19h20, l’heure quand j’avais demandé de l’aide au ministre de l’intérieur de l’époque, Constantin Antoci, il y avait déjà des blessés parmi nous, raconte Victor Gusleacov. Puis, un groupe de 68 combattants dirigés par le général Anton Gămurari et 500 volontaires sont venus à notre aide depuis Causeni. Les soldats de l’Armée nationale nous ont rejoints le 20 juin. Nous avons perdu six policiers dans ces combats. Le plus dur a été le 22 juin, lorsque l’artillerie de la 14e armée a ouvert le feu sur le Commissariat ».
Ion Costaș : « L’Armée Nationale était en processus de constitution »
Selon l’ancien ministre de la Défense, le général Ion Costaș, le soir du 19 juin 1992, il avait une réunion informelle avec le poète Grigore Vieru, l’écrivain Nicolae Dabija, l’acteur Ion Ungureanu, la poétesse Lidia Istrati et un groupe de journalistes. La rencontre a été interrompue par un coup de fil de son adjoint qui l’informait que le Président Mircea Snegur voulait lui parler.
« Le Président m’a dit : « Sais-tu que les Russes nous ont déclaré la guerre ? » Il m’a informe que le ministre de l’Intérieur Antoci l’avait appelé et qu’il fallait envoyer un peloton à Tighina de toute urgence. Je lui ai dit que nous n’étions pas encore prêts. Le général Creangă et Nicolae Chirtoacă étaient eux-aussi dans le bureau du Président. Je leur ai dit que le Conseil de sécurité devait être convoqué. Je suis revenu dans la salle et j’ai informé les journalistes de l’attaque contre le commissariat de Tighina. Puis, je me suis rendu à la Présidence », raconte Ion Costaș.
Selon le général, à la demande de Mircea Snegur, un bataillon a été envoyé pour aider Gusleacov et son équipe. Suivant l’ordre de Tudor Dabija-Cazarov, ancien vice-ministre de la Défense, une vingtaine de jeunes soldats ont été embarqués dans un camion et des armes et des munitions ont été chargées dans un bus. « Ce fut une erreur. Lorsque le bataillon est arrivé dans la ville, les séparatistes étaient déjà dans la forteresse et ont commencé à tirer sur les jeunes. Beaucoup d’entre eux sont morts », raconte Ion Costaș.
Les chars de la 14e armée russe ont forcé le pont
Le 20 juin, la ville était en grande partie sous le contrôle des troupes moldaves, mais les troupes séparatistes, soutenues par l’armée russe, ont forcé le pont sur le Dniestr. Le 21 juin, les Russes ont continué à bombarder la ville.
La bataille s’est terminée le 22 juin suite à l’intervention des forces armées russes, ce qui a renforcé le rapport de forces en faveur des séparatistes, alors que les troupes militaires subordonnées à Chisinau avaient partiellement occupé la ville. On estime qu’environ 200 soldats et civils moldaves ont perdu leur vie dans les combats à Tighina et environ 300 ont été blessés.
Après des combats sanglants, Tighina est passée sous le contrôle des autorités non-reconnues de Tiraspol. Les Russes avaient besoin de contrôler cette ville pour assurer une meilleure défense de Tiraspol. D’autre part, vu qu’on invoquait que les autorités de Chisinau voulaient faire l’union avec la Roumanie, cet objectif aurait été difficile à atteindre, vu le manque de contrôle sur cette ville.
Ion Costaș : « Notre paix dépend aujourd’hui de la résistance et du courage des Ukrainiens »
« Ce qui s’est passé en 2014 en Ukraine - la création de républiques séparatistes - et ce qui se passe aujourd’hui dans le pays voisin sont des scénarios faits par les Russes, similaires à ce qui s’est passé en Moldavie en 1992. Les Russes créent des enclaves et les dominent. Ils tuent des femmes, des vieux, des enfants. Ils détruisent des villes, c’est une grande tragédie », affirme le général Ion Costaș, tout en accentuant que même quand l’Ukraine était entourée de troupes russes, il ne croyait pas que la Russie allait envahir ce pays. « J’ai vécu un choc le 24 février. Le danger est sérieux pour nous aussi. Je suis ce qui se passe sur la ligne de front. Nous dépendons aujourd’hui de la résistance et du courage des Ukrainiens », considère Ion Costaș.
D’après un article de Svetlana Corobceanu publié sur https://gazetadechisinau.md/2022/06/23/30-de-ani-de-la-sangerosul-macel-de-la-tighina/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=30-de-ani-de-la-sangerosul-macel-de-la-tighina
Le 9 juillet 2022