C’est loin…
La Moldavie, c’est loin… Déjà sur une carte on devine la distance à parcourir ; mais lorsqu’il s’agit de faire le trajet en car sans véritable arrêt et rien que de simples pauses pour avaler un sandwich ou filer aux toilettes, c’est encore autre chose. Pour tout dire, en deux jours et demi, nous avons tout de même traversé quatre pays (en plus de la France) : l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et pour finir la Roumanie. Alors, oui, c’est long… Peu d’arrêts, donc nous avons du nous contenter de dormir dans le car, pour les quelques chanceux qui y sont parvenus.
Arrivés à Bucarest (capitale de la Roumanie), nous avons du changer de car, descendre nos bagages et les bandes dessinées et attendre plus de deux heures dans la nuit. Du moins la nuit est douce à Bucarest.
Le car suivant, était plus petit que le premier, avec peu de places mais un très grand nombre de passagers. Il a bien sûr fallu mettre une partie des bagages dans le fond de la cabine, avec des piles dépassant la hauteur raisonnable et un amoncellement hétéroclite propre à mettre au défi toutes les lois de l’équilibre (sauf en Roumanie peut-être). Pour ce qui est du chauffeur, on reconnaissait en lui un indigène à sa façon de manœuvrer son véhicule : slalomant dans la mesure du possible entre les nombreux nids de poules, il ne se caractérisait pas par sa prudence et roulait très (trop) vite. Un simple coup de klaxon pour s’ouvrir le passage et carrioles à chevaux, personnes âgées claudiquant sur leur canne et volailles diverses se rapprochaient prudemment du fossé le plus proche, le tout dans un bruit d’enfer de tôles du car vibrant, de frein criant à quelques occasions et de rires (inquiets) des passagers qui osaient encore regarder la route. Pour les autres, ils se contentaient à présent de se cramponner à leurs sièges.
Arrivés à Iasi à l’heure prévue malgré le retard accumulé au départ, nous avons pu pousser un soupir de soulagement à la pensée de pouvoir quitter cet enfer et un second en retrouvant Madame Raïsa Andriuta (directrice de l’Alliance Française de Nisporeni) et Elena, sa fille (elle-même venue à Saint-Amand il y a quelques années). Comparativement à l’épreuve précédente, les quelques 68 kilomètres nous séparant encore de la frontière nous sont apparus presque courts. A la sortie de la Roumanie et pour entrer en Moldavie, on nous a pour la première fois demandé nos passeports : moins d’un quart d’heure au total pour contrôler nos papiers et ceux des chauffeurs, jeter un regard rapide aux bagages (notre bonne mine avait déjà du rassurer les douaniers) et payer la taxe.
Après la frontière, nous avons franchi le Prut (fleuve qui sépare les deux pays sur une grande partie de son cours). Pour les routes en tout cas : pas de changement visible et les secousses du car nous l’ont bien confirmé. Jusqu’à Nisporeni, ville de notre destination, nous avons continué de croiser des charrettes tractées par des chevaux, des chiens vaguant en liberté sur le bord des routes et quelques vaches et chevaux, « tenus en laisse » ou attachés à un poteau au bord de la route pour se nourrir de l’herbe du talus.
Sur la place centrale de Nisporeni, nous étions là encore attendus, cette fois par les familles d’accueil et par nos correspondants. Une fois installés, douchés, et pris en mains par nos hôtes, une constatation s’est pour finir imposée à tous : « C’EST LOIN, MAIS C’EST BEAU ! »
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Comment vivent les Moldaves ?
Au premier regard, la vie en Moldavie peut nous paraître moins chère. Sachant que pour 1 € vous obtenez un peu plus de 14 Lei (monnaie moldave différente du leu roumain), cela vous met le litre de super à 1 €. La bouteille de Coca est à peine plus chère et pour cette même somme vous obtenez trois pains. Mais il ne faut pas s’y tromper et lorsque l’on sait qu’un enseignant gagne environ 50 € par mois, il faut relativiser les choses : la vie en Moldavie est bon marché mais à condition d’arriver avec un salaire gagné à l’étranger. Cela permet aussi d’imaginer quels sacrifices une famille moldave doit consentir pour nous accueillir bénévolement (comme pour envoyer leur enfant chez nous).
Si les restaurants sont rares, les petits magasins sont très nombreux. On y trouve de tout : des boissons, des produits alimentaires et ménagers, des jouets… et parfois même des portes et fenêtres à emporter et à monter soi-même. Au lieu de se servir, le client indique à la vendeuse les produits qu’il désire et c’est elle qui les prend sur les étagères derrière son comptoir. Les Moldaves achètent peu de fruits et de légumes qu’ils consomment pourtant en grande quantité (y compris en dehors des repas) ; la plupart du temps, ils cueillent prunes, pommes, tomates et raisins et ramassent les pastèques dans leur propre jardin. Si l’eau ne manque pas trop pour l’arrosage des jardins, il faut quand même aller la retirer aux puits (très nombreux) et elle n’est pas potable. Pour boire, il faut acheter de l’eau en bouteilles (le plus souvent gazeuse) ou prendre des jus de fruits.
Les puits (comme les carrefours d’ailleurs) sont placés sous la protection de Dieu avec des croix et de grandes icônes représentant le Christ. Bien que chrétiens, les Moldaves ne sont pas catholiques mais orthodoxes ; ils ont d’autres coutumes et d’autres règlements. Cela implique par exemple que pour rentrer dans une église, les filles doivent se couvrir en portant un foulard sur leurs cheveux et que les garçons doivent avoir un pantalon long. Les Moldaves sont souvent très croyants et devant les églises, on trouve des boutiques qui vendent non pas des souvenirs mais des porte-bonheur. Des monastères d’hommes ou de femmes ont été reconstruits après la fin du communisme ; on peut les visiter même à la tombée de la nuit.
Les jeunes Moldaves, eux, nous ressemblent davantage : ils aiment le rap, le R’N’B et la musique techno et ils connaissent des chanteurs français comme Alizée ou comme Diziz-la-Peste… Ils s’habillent comme nous en France même si les filles aiment davantage les bijoux et le maquillage. Par contre, ils ont beaucoup moins de consoles et de jeux vidéo. C’est peut-être pour cela qu’ils aiment bien se promener. Ils finissent les cours à 14 h (ils les commencent à 8h 30). La plupart des matières sont pareilles qu’en France même s’ils apprennent le roumain (« moldave ») et le russe à la place du français que certains étudient comme langue étrangère. Les classes sont numérotées à l’envers de la France : on commence avec la 1re et l’on termine sa scolarité avec la 12e.
Avec l’Ecole, l’un des problèmes qui se posent pour les jeunes en Moldavie, c’est que certains sont parfois livrés à eux-mêmes lorsque leurs deux parents sont partis à l’étranger pour gagner de l’argent et que les enfants ne sont pas confiés à la garde de quelqu’un de la famille. Ils ont parfois beaucoup d’argent à dépenser et pas le temps ou pas l’envie de faire leur travail scolaire.
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Nisporeni
Le maire de Nisporeni (Monsieur Ion Gagan) nous a tous accueillis mardi en fin d’après-midi avec nos professeurs, nos correspondants et les représentants de l’Alliance Française pour bien marquer l’importance que lui et la ville attachent à cet échange « retour » entre Saint-Amand-Montrond et sa ville. Nous lui avons pour l’occasion offert un joli livre de photos représentant « Le Cher vu du Ciel » ; cela lui permettra de se familiariser un peu avec les paysages du Berry et cela ne pourra que l’encourager à favoriser la venue des Moldaves que nous espérons pour 2009.
Quelques-uns des Saint-Amandois connaissent sans doute déjà Nisporeni pour avoir participé aux échanges précédents, mais pour les autres, il peut être utile de rappeler que cette petite ville (à l’échelle de la France) se situe sur le plus grand plateau de Moldavie, à l’ouest de Chisinau (la capitale du pays) et à quelques 70 kilomètres à l’est de la frontière avec la Roumanie. Avec environ treize mille habitants, Nisporeni est à peu près au même niveau de population que Saint-Amand mais, là où Nisporeni est chef-lieu de district (département), Saint-Amand n’a que le rang que de sous-préfecture, différence explicable par la population respective des deux pays (la France compte quand même quinze fois plus d’habitants que la Moldavie). Une autre comparaison est possible en terme de forêts : quand à Saint-Amand on est fier d’avoir tout-à-côté la grande forêt de Tronçais, à Nisporeni on annonce posséder à proximité la plus grande forêt protégée de Moldavie avec les Cadri. De même, si Saint-Amand est la ville des livres, aussi bien que celle de l’or, on voit toujours au dessus de Nisporeni une grande imprimerie travaillant pour l’Etat avant l’Indépendance. Là s’arrêtent sans doute les similitudes.
A Nisporeni, ce sont essentiellement les cultures qui dominent et les paysages « pittoresque » des champs de tournesols, de blé, de maïs, des vignes et des vergers donne un charme certain aux abords de la ville. Mais c’est seulement depuis l’Indépendance que les champs sont redevenus des propriétés privées et le partage des terres à la disparition du kolkhoze (sorte de coopérative agricole) a eu des résultats inattendus : chaque personne ayant travaillé au kolkhoze a reçu un petit morceau des différentes terres (vignoble, verger, champ de céréales) souvent trop petit pour être rentable et difficile a cultiver depuis que les machines sont tombées en panne ou sont devenues trop vieilles. Certains, de plus en plus nombreux, pensent désormais à revendre leurs parcelles mais en attendant chaque maison ou presque possède sa cave avec son propre vin artisanal même s’il existe une usine à vin à l’entrée de la ville.
Pour beaucoup des habitants, la solution réside dans un travail à l’étranger tout ou partie de l’année et Nisporeni essaime vers le Portugal, l’Italie, la Roumanie ou même la Russie. Polyglottes de naissance, les Moldaves montrent d’ailleurs une facilité peu commune à jongler avec les langues et il n’est pas rare de voir une conversation commencée en roumain et ponctuée d’interjecions russes, se poursuivre en anglais, en italien, en portugais ou en français sans que cela ne perturbe quiconque. L’aventure étrangère commence d’ailleurs parfois très tôt pour certains jeunes Moldaves qui partent dès quinze ans suivre leur scolarité dans les lycées de la Roumanie voisine.
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Trop sérieux, s’abstenir
Aujourd’hui ce sont les professeurs moldaves et français qui nous livrent quelques réflexions.
En Moldavie, il faut s’affranchir des idées reçues : on y rencontre toujours de jolies bergères gardant de blancs moutons et rien ne ressemble à ce que l’on pourrait attendre.
Ainsi du père de famille moldave. Ce n’est pas à proprement parler un « macho », mais il entend bien être écouté de son épouse lorsqu’il parle et il ignore les termes de « refus » ou de « remarque ». Ce n’est en tout cas pas à lui qu’incombe le ménage ou la vaisselle. Le samedi, il va au sauna… Rares sont les femmes à fréquenter ces lieux. Lorsqu’il rentre du travail, il est fatigué et a une faim de loup. La femme elle se pose moins de questions ; une fois à la maison elle continue de travailler. Les jeunes filles moldaves soulignent pour leur part que c’est la faute de leurs mères si elles ont mal éduqués leurs maris ; quant à elles, on ne les y prendra pas ; c’est bien simple et elles le disent : « elles ont toujours raison ».
De façon générale, le Moldave se plaint très peu : rien n’est trop long, trop lourd, trop difficile. Peut-être la France devrait-elle y envoyer ses ressortissants en voyage ? Ce serait une idée d’autant plus intéressante qu’à ce jour il n’y a pas assez de tourisme en Moldavie pour qu’on prenne la peine de fabriquer et de vendre des cartes postales. Si l’aventure vous tente, laissez-nous vous glisser quelques conseils. Pas besoin de carte routière, tous les chemins mènent à la place Stefan Cel Mare, ou à l’avenue Stefan Cel Mare, ou au parc… A table, ne finissez jamais votre assiette : le Moldave serait persuadé que vous avez encore faim ou que vous voulez délibérément lui faire offense et de là à provoquer un incident diplomatique… A propos de diplomatie : en Moldavie, la Russie possède la plus grande ambassade ; elle doit désormais se contenter de cela. Du régime communiste, la Moldavie a du moins hérité de grands bâtiments : trop grands et pas toujours achevés ; ils sont revendus à des privés qui les achèvent et les exploitent. Mais, la vraie richesse de la Moldavie, ce sont ses habitants ; elle en exporte un sur quatre à travers l’Europe. Peut-être aurez-vous la chance d’en croiser un…