Augustina Reniță-Mirjol, une Moldave installée depuis deux décennies à Paris, où elle travaille pour une société internationale, a lancé son premier livre – « Picătura de artă » (« La goutte d’art ») lors du Festival Bookfest 2024 tenu à Chișinău. Née dans le village moldave de Sărătenii Vechi, elle a fait ses études à la Sorbonne et à l’Université d’Oxford. Elle est passionnée du pinceau, comme de la plume.
Son premier livre se distingue par une sensibilité particulière, étant constitué de fascicules thématiques qui captivent et inspirent. C’est une collection de miniatures littéraires axées soit sur des portraits d’artistes consacrés, soit sur des phénomènes esthétiques ou sur des œuvres précises, faisant des interprétations inédites.
« Les essais d’Augustina Reniță-Mirjol m’ont surpris. Dans notre pays, on écrit sur l’art soit d’une manière théorique, renfrognée, en termes professoraux, soit avec des exagérations d’écolier qui trahissent l’amateurisme… Cependant, les textes de la jeune auteure ne prétendent pas à de profondes réflexions et à des approfondissements abyssaux sur les thèmes dont elle traite - d’où le titre de l’œuvre choisi avec beaucoup de bon sens : La goutte d’art. Chaque fascicule se concentre soit sur un artiste, soit sur un phénomène, soit sur une œuvre spécifique. Ou s’agit-il de réflexions combinatoires, mêlant effusions lyriques et émotionnelles à des notes de voyage », écrit le critique littéraire Eugen Lungu.
« Avant d’écrire ces essais sur l’art, je me demandais s’il était opportun de m’y aventurer, étant donné qu’il existe une vaste littérature à ce sujet. J’ai essayé d’éviter les pièges de la graphomanie et, suivant le conseil de ma mère, je me suis écartée de l’écriture sèche et impersonnelle. Ces essais ont été publiés, au compte-goutte, pendant quatre ans sur un réseau social. Le soutien des lecteurs et leurs encouragements à les publier m’ont donné des ailes, et la validation des textes par le critique Eugen Lungu a couronné cette aventure. Le volume « Picătura de artă » a une forte touche personnelle et c’est peut-être cet aspect qui a intrigué le public », avoue l’auteure.
Dans un de ses essais, Augustina Reniță-Mirjol constate que « le blanc ne peut jamais être vraiment blanc ». Elle explique que, « du point de vue optique, le blanc est considéré comme une non-couleur. Mais peu de peintres renonceraient au fameux blanc de titane. Le blanc est toujours d’actualité, comme on a pu le constater cette année lors de l’exposition du musée de l’Orangerie, consacrée aux 45 nuances de blanc de Robert Ryman. Le blanc, grâce au mélange, a la capacité d’augmenter ou de diminuer l’intensité de n’importe quelle couleur. Il m’a toujours intrigué par sa nature trompeuse et sa capacité à évoquer des contradictions frappantes – un symbole de la pureté, du calme et de l’angoisse à la fois. Je pense souvent à quel point le blanc des hivers sibériens du Goulag a été pénible pour mes grands-parents ».
Elle a dédié son livre a ses parents. « Ce sont mes piliers et ma boussole ; ce sont des modèles de verticalité et de professionnalisme qui n’ont jamais toléré la médiocrité et les demi-mesures. Une journée où je ne leur parle pas est fade et gâchée. Les parents sont les premiers lecteurs des « gouttes » et ceux qui, avec bienveillance, me rappellent de ne pas me laisser absorber par le quotidien et de mettre la main à la plume (j’appartiens à la catégorie de ceux qui écrivent encore à l’encre, de préférence noir comme une plume de corbeau) ».
Or, pour l’auteure, ce volume est avant tout un retour aux sources. Elle a délibérément choisi ce qui est le plus proche de son âme - sa langue maternelle.
« J’habite Paris depuis plus de deux décennies, où j’écris principalement dans ma langue de travail, l’anglais. J’aurais pu écrire, sans trop de peine, « La goutte d’art » en français ou en anglais, mais il me semblait inutile d’essayer d’expliquer l’intraduisible mot « dor » ou ce que c’est que la « doina », « Casa Mare » ou la symbolique du coing dans la conscience roumaine, etc. J’aurais dilué l’essence de ces mots et atteint, au mieux, des approximations ». Elle admet que si ces essais étaient traduits en français ou en anglais, le lecteur les percevrait selon sa sensibilité et son expérience culturelle et trouverait des interprétations et des nuances qu’elle n’aurait pas imaginées.
D’après une interview d’Aneta Grosu publiée sur https://www.zdg.md/reporter-special/oameni/oameni-revenirea-acasa-cu-picatura-de-arta/