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Interview avec le diplomate et écrivain Oleg Serebrian, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République de Moldavie en France

Irina Nechit : Votre Excellence, qu’est ce qui vous a déterminé à écrire un roman, après avoir offert au public les essais « Politique et Géopolitique », « La Politosphère », « Concernant la politique » ? Quel est le titre du roman ? Quand avez-vous conçu le titre ?

Oleg Serebrian

Oleg Serebrian : L’idée m’est venue il y a longtemps, mais j’ai commencé à l’écrire en 1993, quand j’étais à l’Institut européen des hautes études internationales, à Nice. Puis j’ai eu peur, puisque j’allais trop loin. J’ai gardé simplement le manuscrit. Après plusieurs d’années, en décembre 2006, j’ai montré ce roman à mon épouse. Elle a eu une réaction très surprenante. Elle a eu un choc émotionnel. Cela m’a fait revenir à cette idée. Les événements du livre ont lieu dans les années 1944, plus exactement entre 27 février et 4 juin. Le roman est intitulé « La chanson de la mer », comme un tango très populaire en Allemagne dans les années de guerre.

Irina Nechit : Le style du roman a-t-il un caractère documentaire ou avez-vous recherché la veine artistique ?

Oleg Serebrian : C’est un documentaire, mais j’espère que ce ne sera pas au détriment du style artistique. J’ai été très attentif à l’aspect documentaire, peut-être à cause de ma formation comme historien. Le roman a presque 200 notes explicatives. La période reflétée dans mon roman est très sensible et pleine d’ambiguïtés et de moments ambivalents. Voilà pourquoi j’ai voulu donner au lecteur plus de détails, qui peuvent paraître parfois insignifiants, mais qui peuvent l’aider à se faire une opinion. L’essence du roman se résume à une phrase du dernier chapitre « La vérité sera la plus grande victime de cette guerre ».

Irina Nechit : Le 17 février 2008, vous avez commencé à retravailler ce roman à Vijnicioara. Où se trouve Vijnicioara ? Comment êtes-vous allé là-bas ?

Oleg Serebrian : C’est une petite station dans les Carpates de Bucovine, à 75 km de Cernauti, actuellement en Ukraine. Depuis plusieurs années, je vais là-bas.

Irina Nechit : Le 17 juin 2011, à Paris, vous avez fini l’écriture du roman. L’atmosphère de la métropole a-t-elle été favorable pour cette activité ?

Oleg Serebrian : En fait, le roman a été fini avant que je vienne à Paris, mais j’ai eu besoin d’une année pour le revoir. A Paris, ce roman n’a pas été rédigé, il y a été mis au point. Les lieux où on écrit ne comptent pas. Le plus important c’est la langue qu’on utilise et la maison d’édition qui accepte le manuscrit. J’ai compris cette chose justement à Paris.

L’année passée, j’ai publié un livre dans la collection géopolitique de l’éditeur français Artèges, dirigée par Herve Coutau-Begarie, l’un des plus respectés géopoliticiens français à l’heure actuelle. En quelques mois, l’éditeur a épuisé le stock et, dans le plus grand réseau de magasins FNAC, les livres se sont vendus intégralement. Alors, quand je suis revenu de congé à Paris, le professeur Frison Roche, le préfacier de mon livre, m’a demandé de penser à une deuxième édition. Le livre a été rapidement remarqué par les publications spécialisées, avec une critique très positive de la part de quelques lecteurs comme Bertrand Renouvin qui a consacré au livre un éditorial très élogieux dans « Le Royaliste ».

Bien sûr, que quand on écrit dans une langue de diffusion restreinte, pour un marché (c’est dommage d’utiliser cette terminologie) qui consomme difficilement quelques centaines d’exemplaires, la situation est différente.

Irina Nechit : Gheoghe Erizanu annonce la parution de votre roman aux éditions Cartier, dans la collection « Rotonda ». Quand sera-t-il imprimé ?

Oleg Serebrian : J’espère qu’il paraîtra en septembre. A la fin du mois octobre, j’ai planifié son lancement en Roumanie.

Irina Nechit : Votre roman commence par la dédicace suivante « Je dédie ce livre aux centaines de milliers d’habitants originaires de Bucovine et de Bessarabie qui ont souffert à cause de l’exode des années 1940 et, spécialement, à mon grand-père, Petru, ex-secrétaire de la mairie de Hadarauti, au Gouvernement de Bucovine, réfugié dans le Banat et à mes arrière-grands-parents, Alexandra et Dumitru, déportés en Sibérie ». Cela a-t-il été pour vous une dette morale ou une action thérapeutique ?

Oleg Serebrian : Tous les deux. Mon arrière grand-mère est morte en 1983. Même aujourd’hui je m’en souviens ayant un livre dans ses mains. Elle a été une femme remarquable. Elle parlait plusieurs langues. Mon grand-père, Petru, est mort en 1986. Il a avait une prédilection et un amour pour « la Roumanie Ancienne ». Leurs conversations avec moi ont été mes premières leçons d’histoire, avant que je n’aille à l’école. Ils m’ont permis d’avoir un point de vue très critique sur l’histoire officielle et une passion précoce pour l’histoire de la deuxième guerre mondiale.

Irina Nechit : Le personnage principal du roman est Traian Popovici, maire de la ville de Cernauti. Par quoi la figure de cet homme vous a-t-elle fasciné ? A quelle période a-t-il agi ? Par quelles actions s’est-il fait remarquer ? Croyez-vous qu’il est un héros ?

Oleg Serebrian : En fait, le personnage principal du roman descend d’une famille aristocratique allemande de Bucovine, Marta Skawronski. Bien sûr, Traian Popovici, maire de Cernauti dans la période 1941-1942, figure dans le roman. Il a été une personne extraordinaire et très courageuse. Il a sauvé de la mort 20 mille Juifs de Cernauti. A eux qui en sont intéressés, je recommande son livre « Confession » qui est paru à Bucarest il y a quelques années.

Irina Nechit : Le roman est-il seulement historique ou il a-t-il aussi un fond sentimental ?

Oleg Serebrian : Il a un fond sentimental, plus exactement émotionnel.

Irina Nechit : Y aura-t-il un film à la suite du roman ? Où, dans quel pays, quand et qui seront les acteurs ?

Oleg Serebrian : Ceux qui ont lu le roman ont affirmé qu’il est très cinématographique, mais on ne sait pas encore. Pourtant, on espère faire un film.

Irina Nechit : Comment combinez-vous l’activité d’ambassadeur avec celle d’écrivain ?

Oleg Serebrian : Beaucoup de mes collègues d’ici, ambassadeurs auprès de l’UNESCO ou ambassadeurs en France, sont des écrivains. Avec beaucoup d’entre eux j’ai des relations très proches, voire amicales. On peut prendre par exemple le cas de Nicolae Manolescu, le président de l’Union des écrivains de Roumanie, qui est ambassadeur ici. Jorge Edwards, l’ambassadeur de la République de Chili, est l’un des plus grands écrivains contemporains de langue espagnole ; il est lauréat du Prix Cervantes, le plus important prix littéraire du monde hispanophone. L’ambassadeur de l’Albanie, Ylijet Alicka, est aussi écrivain, très traduit et lu en France et en Italie. L’ambassadeur italien Maurizio Serra, est lui-aussi écrivain et lauréat du Prix Goncourt. Aux soirées où nous nous rencontrons, il y a souvent des thèmes de discussion comme l’histoire, la philosophie et la littérature. Maurizio Serra a été celui qui m’a apporté son soutien pour la présidence du Congrès de l’Union Latine.

Irina Nechit : Comment peut-on expliquer que les projets culturels moldavo-français soient si insignifiants et aient un contenu très général ? Peut-on attendre des actions culturelles moldavo-françaises d’ampleur ?

Oleg Serebrian : La plupart des pays ont des institutions culturelles à l’étranger, dont la mission est de promouvoir la culture nationale. Ces pays offrent de grandes sommes pour ces actions, alors que notre pays n’a pas d’argent pour cela. Le budget de l’Etat ne prévoit pas d’argent pour les institutions culturelles de l’étranger, car la situation sociale est si difficile qu’on n’ose pas traiter ce problème. On essaye de faire ce qu’on peut en utilisant ses propres forces.

Irina Nechit : De quelle manière on fêtera en France, le 27 août - la Journée de l’Indépendance de la République de Moldavie ?

Oleg Serebrian : On marquera l’événement en organisant une petite réception à l’ambassade où on a invité les amis de notre pays. Je veux mentionner que parmi les Français j’ai rencontré des amis fidèles qui ont une vraie passion pour la République de Moldavie. On peut citer le politologue Florent Parmentier, Gilles Ribardière, docteur d’Etat en droit, Jean-Jacques Combarel et bien d’autres. Ces personnes ont fait beaucoup de choses pour promouvoir une image positive de notre pays en France.

Irina Nechit : Votre roman a la chance d’être publié aussi en français ? Il sera lancé à Paris ?

Oleg Serebrian : J’espère que oui, toutefois il sera traduit d’abord en allemand.

Paris, août 2011

Interview de Irina Nechit reprise sur le site http://www.jurnal.md/ro/news/interviu-cu-oleg-serebrian-209473/.

Traduction – Cristina Burlacu.

Le texte a été aimablement relu par M. Oleg Serebrian

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