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Svetlana Manuil : « Le professeur d’aujourd’hui se heurte contre beaucoup de problèmes, mais il reste optimiste, généreux, cultivé »

Interview sur la francophonie en Moldavie et l’enseignement de la langue française accordée à www.moldavie.fr par Svetlana Manuil

Svetlana Manuil

Madame Svetlana Manuil est professeur de français au Collège de Commerce de l’Académie de Sciences Economiques, Présidente de l’Association des Professeurs de Langue Française de Moldavie. Enthousiaste, active, dynamique, inspirée, elle est toujours au centre des événements francophones qui se déroulent en Moldavie.

  • Chère madame Svetlana Manuil, vous êtes une amie fidèle de la langue française et également de notre association « Les Moldaviens ». D’où vient votre attachement fervent à la francophonie ?

Oui, vraiment j’aime la langue française depuis longtemps, j’admire énormément la culture française qui est particulière. Et tout ça, parce que j’ai eu la grande chance d’avoir des professeurs venus en pédagogie par vocation et pas par hasard, qui m’ont tellement provoquée, motivée, que, par conséquent, le français est devenu ma profession. Je voudrais même nommer ces cadres didactiques : Mme Doina Rimbu, M. Mircea Grigorita, M. Vasile Barbuta …

En plus, j’ai commencé mon activité pédagogique à 17 ans - sans avoir fait des études à la faculté, j’enseignais déjà le français. Probablement, c’était à cette époque-là, quand je travaillais dans une école secondaire incomplète du district de Causeni, le village de Plop-Stiubei, que l’attachement s’est fait ressentir le plus.

Concernant l’association « Les Moldaviens » j’ai un grand respect pour le Président de cette association, M. Jean-Jacques Combarel et son équipe qui me soutient durant des années dans l’organisation du Festival National de la chanson francophone « Chantons, amis ! ». C’est un geste profondément humain : en sponsorisant le Festival, l’Association soutient et encourage l’avenir de notre pays, la jeune génération qui construira demain une société, j’espère, fleurissante et qui perpétuera l’idée de la Francophonie dans mon pays, participera activement à la construction d’une Europe unie. Je suis très reconnaissante et je Vous remercie beaucoup, M.COMBAREL.

  • Le Festival national de la chanson francophone « Chantons, amis » est un des événements qui dominent chaque année le programme des Journées de la Francophonie en Moldavie. Tout le monde s’accorde à dire que c’est essentiellement grâce à votre persévérance que ce Festival est arrivé à sa septième édition. Parlez-nous un peu de son histoire.

L’idée d’organiser un tel Festival m’est venue il y a 9 ans. En 1994, je dirigeais un cercle d’activité artistique en français « Apprenons le français en chantant, en récitant… » Pendant les réunions de ce cercle, j’ai remarqué que mes élèves étaient très doués. Ils chantaient très bien, ils récitaient, ou écrivaient des vers en français … Alors, nous avons décidé d’organiser une manifestation de fin d’année pour présenter les résultats de l’activité du cercle. Ainsi est né le Festival de la chanson en différentes langues. A l’époque, on enseignait quatre langues à notre collège, et on a donc chanté en plusieurs langues. La langue dominante était bien sur le français. Nous avons organisé six éditions de cette manifestation. A partir de l’an 2001, le français a commencé à céder ses positions en faveur de l’anglais. Alors, je me suis dit, qu’il fallait intervenir et que le français devait occuper une place prioritaire vu le fait que nous avons le statut de pays francophone. Voilà pourquoi en 2002 j’ai organisé le premier Festival (local) de la chanson française. 16 élèves du collège y ont participé. Le président de jury fut M. Olivier Boudes, directeur-adjoint de l’Alliance Française. A la réunion du Comité d’Administration de l’Association des professeurs de français de Moldavie (APFM) j’ai informé mes collègues sur ce Festival. A leur tour, les membres de l’APFM, surtout Mme Ana Bondarenco, la présidente, m’ont conseillé d’élargir les dimensions de ce Festival. Chose dite, chose faite ! L’année suivante, en 2003, j’ai organisé le Festival Municipal de la chanson française. 26 participants, représentants de 13 institutions de Chisinau y ont participe.

Quelque temps après, à une autre réunion du Comité de l’APFM, mes collègues m’ont suggéré d’élargir la géographie du Festival, c’est a dire d’organiser un Festival National de la chanson française. C’est facile de proposer, mais essayez de réaliser une telle idée !

Aidée par Mme Zinaida Ciobanu, j’ai élaboré le Règlement du Festival, ensuite, soutenue par le Ministère de l’Education (Mme Eugenia Brinza), j’ai informé les professeurs de différents districts du pays. Les membres du Comité d’Administration de l’APFM m’ont aussi aidée à informer le public. Il est important est que mes collègues, la Directrice du Collège, Mme Larisa Stirbu, le Recteur de l’ASEM, le responsable musical du collège, M. Anatol Dicusar … m’ont comprise et ont accepté l’idée.

Ainsi, le 13 mars 2004 (le quatorze mars 2004 c’était mon jubilé - 50 ans) a eu lieu la I-ière édition du Festival National de la chanson française « Chantons, amis ! ». 36 jeunes ont participé à cette édition nationale, représentant 11 districts du pays. Le président du Jury a été M. Constantin Rusnac, Secrétaire Général de la Commission Nationale de l’UNESCO en Moldavie, musicologue, compositeur, ex-recteur de l’Académie de Musique, docteur d’Etat. En 2005, la deuxième édition du Festival a réuni 67 participants accompagnés par 30 danseurs de 17 districts du pays.

Après cette édition, nous avons décidé de faire une présélection car c’était impossible d’écouter pendant une journée 67 participants. Le Règlement du festival a été modifié – il se déroule désormais par tranches d’âge. La distribution par catégories a été introduite après la participation des gagnants au Festival International de la Musique Francophone, organisé à Baia Mare, en Roumanie. A cette époque-là, les tranches d’âge ont subi des modifications, car l’Alliance Française de Moldavie m’a proposé d’inviter au Festival des étudiants des universités. Pour cette catégorie l’Alliance Française s’est dite prête à offrir un séjour d’une semaine en France. Donc, des jeunes de 11 à 22 ans peuvent s’inscrire au Festival.

Certes, chaque édition a exigé beaucoup d’efforts : informer le public, présélection, jury, répétition générale, sponsorisation, présentateurs, décor, pause-café, assistance technique, déjeuner, étc.

Sept éditions nationales du festival ont eu lieu jusqu’à présent. C’est bien, quand une initiative est lancée, soutenue, acceptée, quand à nos côtés il y a des gens généreux, bienveillants, responsables et humains comme M.COMBAREL, M.PRADO, M.RUSNAC, M.BALECA, Mme CAN… quand on pense avec de optimisme à l’avenir d’une nation.

Les gagnants des I-III-ièmes éditions (15 personnes) ont participé au Festival International de la Musique Francophone « Chants, sons sur scène » où Maria Dragan et Anna Cernicova ont obtenu le Grand Prix et ont gagné des séjours en France ; Natalia Tanasiiciuc s’est classée II-ième et Mihaela Ojog, Dorina Vasilascu ont obtenu le III-ième prix. Tatiana Heghea et Victoria Rosca, bien qu’elles aient eu une prestation excellente sur la n’ont reçu que des prix spéciaux, car à cette époque-là le Règlement ne permettait pas l’octroi des Grands Prix aux étrangers.

  • Quel est le bilan de la plus récente édition du Festival ?

Le 20 mars 2010, a eu lieu la septième édition du festival de la chanson francophone « Chantons, amis ! ». 40 participants y ont concouru. Les Grands Prix à toutes les trois catégories d’âge ont été remportés par des jeunes interprètes de la ville de Straseni : Nicoleta Jalbă, Doina Bordeianu et Alina Rebeja.

  • Quels sont vos projets d’avenir en tant que professeur de langue française ?

Je voudrais que l’Alliance Française de Moldavie approuve mon dossier de stage linguistique en France, car chaque enseignant, quelle que soit sa formation, a besoin de rafraîchir ses compétences didactiques : grâce à un tel stage, je pourrais établir des relations de collaboration avec des professeurs de différents pays, afin d’organiser ensuite un Festival régional ou international de la chanson francophone à Chisinau, dans mon beau pays. En plus, je veux perpétuer des actions organisées traditionnellement au Collège National de Commerce, telles que le concours des érudits « Robingo » sur la civilisation française et le Festival de la chanson en différentes langues du monde (le 16 avril 2010 a eu lieu la XVI édition - 16 élèves de notre collège ont chanté en dix langues : français, anglais, italien, espagnol, russe, ucrainien, roumain, bulgare, arménien et romani), le Festival de la poésie française lancé par moi et mes collègues Cazacu V., Mirza G., Albot D. qui est arrivé à sa XV édition. Je voudrais continuer à découvrir de nouveaux jeunes talentueux, promouvoir des jeunes doués, éditer un livre-album sur l’histoire et l’évolution Festival National de la chanson francophone « CHANTONS, AMIS ! »

  • Notre vice-président Florent Parmentier vient de publier un livre : Moldavie. Les atouts de la francophonie ». Pouvez-vous nous parler de la francophonie en Moldavie ?

Le sujet du livre choisi par le vice-président de l’association « Les Moldaviens » M. Florent Parmentier est bien actuel et très important. Les avantages de l’étude du français dans mon pays sont bien évidents. En apprenant le français, l’élève découvre un monde nouveau, une culture magnifique qui a un impact non seulement cognitif mais aussi éducatif, car la culture française est basée sur les valeurs socio-humaines qui forment l’homme, le cultive. A savoir, la Moldavie est le pays le plus francophone de l’Europe Centrale et Orientale. Le plus grand mérite dans le maintien du français revient à nos professeurs qui, malgré leur salaire misérable, dérisoire, font souvent la navette dans les villages voisins pour enseigner le français, ils peuvent rester après les cours et travailler, organiser des concours ou autres activités au nom de l’avenir de notre pays, au nom de la Francophonie.

Symbole de l’unité, de la solidarité et facteur de la paix, la francophonie se trouve au centre de beaucoup d’événements pendant toute l’année, mais surtout pendant les journées de la francophonie. Chaque année plus de 200 manifestations sont organisées dans les villes et villages du pays. Le programme des actions culturelles est toujours impressionnant et varié : lancements de livres (en français), musique française, concours de la chanson française, conférences, spectacles, rencontres avec des savants français, tables rondes, séminaires, Festival du Film Francophone déroulé à Chisinau, Cahul, Balti, Ungheni, conférences de presse, concours lexicaux, concours de civilisation française, concours des érudits, dialogues interculturels, concours d’intelligence …

Dans beaucoup de districts, le Festival de la chanson francophone est devenu une tradition : à Straseni - Iulia Straver, à Drochia –Mocanu A., Melinte Iurie, à Leova - Tatiana Hitu, à Ungheni- Galina Gritko, à Causeni- Maria Cernobai, à Floresti- Alexandra Tudose, à Orhei - Maria Movileanu, à Camenca- Nadejda Nani organisent avec responsabilité cette action. J’ai eu le grand honneur et plaisir d’être membre du jury dans quelques districts où les professeurs ont fait preuve d’abnégation pour préparer leurs élèves aux Festival.

A mentionner aussi dans ce contexte une action spéciale organisée par Valeriu Baban, responsable de l’enseignement des langues étrangères à la Direction pour l’enseignement du district de Cahul et membre du Comité d’Administration de l’APFM. Pendant les journées de la Francophonie, il a réuni à Cahul plus d’une centaine de professeurs de français provenant de 4 districts du Sud de la Moldavie pour vénérer et honorer les vétérans de la pédagogie et pour faire un échange d’expérience. Une nombreuse équipe de la ville française de Port-sur-Saône y a été présente, y compris le maire-adjoint de la ville, qui ont été très généreux et ont offert aux professeurs des livres et des cadeaux.

 Quels sont les défis à surmonter par un professeur de français de Moldavie ?

Un professeur de français de Moldavie a beaucoup de difficultés à surmonter. Premièrement, son salaire est misérable, il manque de supports didactiques. S’il veut s’en acheter, son salaire ne lui suffit pas, comme il ne lui suffit pour payer l’appartement, bien s’alimenter… Les conditions de vie, de travail, laissent à désirer.

Enfin, le professeur d’aujourd’hui se heurte contre beaucoup de problèmes. Mais malgré tout ça, il reste optimiste, généreux, cultivé, profondément humain, il apprécie dans cette vie les valeurs qui viennent du cœur, de l’esprit - les valeurs sociales-humaines. Voici mon message aux professeurs de français de mon pays :

Chers,

Mes chers collègues professeurs ;

Moi,

Je vous souhaite du bonheur

Car,

Vous avez une importante mission

Donnée des cieux à vous en vraie vocation ;

La vie, on sait vraiment est trop compliquée …

Chacun surmonte dans son chemin les difficultés

Qui

Qui apparaissent toujours, sans cesse, à l’improviste

On souffre beaucoup à cause de cela et on est triste

Mais tout de même on travaille avec espoir

Sans demander ni sans attendre la gloire ….

Je voudrais obligatoirement mentionner quelques noms qui font la Francophonie dans notre pays : Valeria Chiriac de Soroca, Lidia Spinu de Calarasi,Valeriu Baban de Cahul qui est considéré comme l’ambassadeur de la France dans le sud de la Moldavie, Vera Lazari de Ocnita, Maria Movileanu de Orhei, Iulia Staver de Straseni, Tatiana Cojocari de Taraclia, Alexandra Tudos de Floresti, Teodora Slobozeanu de Stefan Voda, Maria Cernobai de Causeni, Galina Gritco de Ungheni, Victoria Frumuzachi de Chisinau, Galina Stan de Telenesti, Ion Gutu, Cristina Enicov, Tatiana Petcu, Loreta Gafton de Chisinau. Ils sont tous des véritables acteurs de la Francophonie

Mes collègues de l’APFM et moi, nous avons assisté à diverses manifestations organisées par les professeurs du pays. Sûrement, grâce à ces professeurs, grâce à leur ingéniosité, créativité, intelligence et à leur travail assidu, la Francophonie sera perpétuée en Moldavie, elle a un avenir dans notre pays, et nous ferons de notre mieux afin de la développer, la protéger et l’enrichir.

Le 28 octobre 2010

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