La lutte pour survivre est de plus en plus acharnée et les artistes renoncent, presque toujours, à la beauté de la création. Les quelques galeries d’art, avec un statut d’institution privée aux lois draconiennes, prennent presque la moitié du chiffre des ventes. Et le marché des arts du centre de la ville, que l’on nomme celui du « kitsch », n’accepte pas le véritable art.
Alors, les artistes cherchent des solutions personnelles pour se maintenir. C’est ainsi que vivent la plupart des artistes. Antonine et Vitalie Grisciuc sont deux jeunes artistes doués qui font des efforts surhumains pour résister.
« Quand on aura un atelier à nous, une maison à nous, alors, on dira qu’on a réussi »
A l’Université de Chisinau, ils ont eu un professeur extraordinaire de peinture, Petru Severin. Le professeur Severin leur a suggéré « de s’occuper sérieusement de la peinture, car ils ont du talent et ne doivent pas rater une carrière artistique ».
Voulant suivre le conseil de l’enseignant, sa femme a suivi Vitalie à Bucarest, où il a continué ses études à l’Académie d’Art, la Faculté des Arts Décoratifs et du Design. Etant mariés, ils devaient se soutenir l’un l’autre. Antonina s’est engagée dans une galerie d’art. Elle avait un salaire qui leur offrait l’occasion d’étudier « pour un meilleur avenir ».
Leur itinéraire de création est intéressant aussi par le simple fait qu’ils sont passés par plusieurs épreuves qu’ils ont surmontées, sans cependant en sortir toujours gagnants. « C’est seulement quand on aura un atelier à nous, une maison à nous qu’on dira qu’on a réussi ». En 1996, ils sont partis au Luxembourg pour travailler « au noir » d’après une offre qui correspondait à leur métier. Dans un atelier de broderie, ils faisaient les dessins pour les pièces vestimentaires. Quand elle a compris quelles personnes douées ils étaient, la patronne leur a fait des conditions qui leur laissaient du temps pour peindre leurs toiles.
Au Luxembourg, ils ont organisé une exposition, la première de leur vie. Elle a été suivie d’autres participations aux expositions de groupes à Saint-Pétersbourg, en Russie, et à Brasov, en Roumanie. Tout est intermittent, toutes les victoires sont « de hasard », rien n’est « programmé », ou « sur ordre ». La plus grande réussite a été l’exposition « Villages bessarabiens », organisée au siège de la Mission OSCE. « On a eu une satisfaction morale, mais matérielle aussi. Les étrangers se sont rués sur les paysages des villages bessarabiens. Les consommateurs d’art ont une logique intéressante quand ils acquièrent un tableau. Leur logique diffère radicalement de celle d’un collectionneur. Les étrangers achètent un souvenir des endroits visités. La valeur artistique de la pièce n’importe pas, la dimension émotive reste le seul critère », constatent les artistes.
« A la recherche de paysages »
A la recherche de paysages de campagne, ils ont parcouru toute la Moldavie et la Roumanie. Ils ont acheté deux appareils vidéo : un seul, c’était insuffisant. Ils prennent les images qui leur plaisent davantage, puis, dans le studio, ils les travaillent. Toujours - sans hâte, car ils auraient honte de travaux « bâclés ».
Maintenant ils ont deux expositions permanentes : l’une, dans le hall de la Salle d’Orgue, l’autre - au siège du PNUD. En été, les salles se ferment pour les vacances et le flux des étrangers est limité. Ils attendent des temps plus favorables. Sans égard à l’effort fait, les ventes occasionnelles permettent de gagner juste ce qu’il faut pour ne pas mourir de faim.
Une seule acquisition, pour l’instant…
Il fut surpris par la nouvelle de l’acquisition de son œuvre « Triptyque » pour les fonds du Musée National des Arts. Vitalie raconte, ému, « quand je l’ai appris, j’ai demandé à monsieur Braga, qui m’avait annoncé cette acquisition, si le tableau avait été acheté au prix souhaité ». « Peu importe le prix, maintenant tu as une peinture dans les fonds du musée, tu es jeune encore et tu peux en être fier, c’est important pour un artiste d’avoir des travaux dans les fonds du Musée, auprès de ceux signés par Grecu,Vieru,Plamadeala,Ciocolov ! »
Article par Antonina SARBU, publié sur http://garda.com.md/141/oameni/, traduit par Rodica Rosca, élève en XI-ième au Lycée Théorique « IOAN VODA » de Cahul, membre JUNACT. Relecture - Michèle Chartier.