Angela Botezatu, originaire de Mingir, s’est mariée avec Andrei Chitanu du même village au début des années ’90. Depuis, trois garçons sont nés dans leur famille. Ion a maintenant 14 ans, Vasile - 12 ans et Andries aura 8 ans en août prochain.
Andrei et Angela, de bons parents, ont eu soin de leurs enfants et ont toujours travaillé pour leur offrir tout le nécessaire, mais dans ce village, comme dans beaucoup d’autres, il y avait assez de travail, mais il n’y avait pas de salaires.
Il y quatre ans, Angela a décidé de suivre le chemin des milliers de femmes de Moldavie et partir à l’étranger à la recherche d’un travail bien payé. La première chose dont elle a eu besoin c’était un passeport avec un visa et le seul moyen de l’obtenir a été de l’acheter. Angela et Andrei ont emprunté de l’argent et ont payé 2 100 euros à une personne qui leur a promis un passeport avec visa d’entrée en Italie.
Le premier passeport de 2 100 euros
En novembre 2003, Angela s’est trouvée dans une voiture, aux côtés d’autres Moldaves munis de passeports avec des visas. Après avoir traversé la Roumanie et la Hongrie, à la frontière hongroise-autrichienne, leurs passeports ont été qualifiés de faux et le groupe de Moldaves a été retenu. « Ils sont restés là-bas, dans une prison, pendant deux semaines. Nous n’avons pas de téléphone chez nous et il m’était difficile d’apprendre des nouvelles d’elle », nous a dit Andrei.
Au début de décembre, elle est revenue à la maison, sans argent et complètement démoralisée. Ils ont tout fait pour survivre financièrement, mais les chances de trouver un travail avec un salaire qui aurait couvert les besoins de leurs enfants étaient nulles. Les gens du village qui s’en sortaient mieux disaient que tous les chemins vont à Rome.
En mars 2004, Angela a de nouveau emprunté de l’argent pour un passeport avec visa. Cette fois-là, on lui a demandé 2 700 euros, en lui promettant un voyage en avion, vol Odessa - Istanbul - Milan. La route a pris fin à Istanbul. « Ils ont dépisté que nous avions des papiers russes. Un représentant de l’Ambassade russe en Turquie a été invité qui a constaté que nous n’étions pas des Russes. J’ai été encore une fois emprisonnée pour quelques semaines. Ce n’était pas de notre faute qu’on ne pouvait pas voyager légalement » se disait Angela à son retour.
Le passeport nr. 3 - pour 2 900 euros
Après quelques mois, au début d’août 2004, Angela a de nouveau essayé de partir, payant déjà 2 900 euros pour les papiers. Cette fois-là, elle a fait le vol Odessa - Istanbul - Vienne - Milan et elle est arrivée finalement à la destination convoitée. Elle a commencé à travailler dans une famille d’Italiens âgés. Pendant une année, elle a travaillé et a envoyé à la maison tout son salaire.
Andrei a commencé à faire des travaux à la maison et l’a transformée dans une maison moderne où leurs enfants avaient tout le nécessaire : chambres à coucher, table à écrire, une cuisine équipée, une machine à laver.
« On discutait au téléphone tous les changements à faire dans la maison. On voulait que tout soit prêt jusqu’en automne quand les enfants iraient à l’école pour que rien ne leur manque », m’a dit Angela, il y quelques semaines.
En Italie, d’un hôpital à l’autre
« C’était le mois de novembre. On allait finir tous les travaux de rénovation. J’ai pensé que ça aurait été bien de faire quelques retouches à l’extérieur avant l’arrivée de l’hiver. Je n’avais pas assez d’argent et j’ai décidé d’en emprunter et de le rembourser pendant l’hiver, car Angela continuait à travailler », nous dit Andrei.
Quelques jours plus tard, il a reçu une mauvaise nouvelle. Quelqu’un de la famille l’a appelé pour lui dire que Angela était tombée malade et elle était dans le coma dans un hôpital d’Italie. Les médecins ont dépisté un grave problème au cerveau d’Angela, qui a provoqué plusieurs hémorragies intracrâniennes. Malgré le fait qu’elle se trouvait en Italie illégalement, les institutions médicales ont mis beaucoup d’efforts pour aider cette femme.
Angela est sortie du coma, mais elle ne pouvait plus se lever du lit. Elle a passé un an et demi dans différentes institutions de récupération d’Italie. Finalement, les autorités italiennes ont contacté les autorités médicales de Moldavie, en demandant l’aide nécessaire pour le transfert d’Angela à Chisinau. Le 8 février 2007, elle a été transportée en avion, accompagnée de deux médecins. A l’aéroport, l’attendaient son mari et ses trois enfants, ainsi qu’un représentant du Ministère de la Santé, qui a promis aux médecins italiens que tout irait bien avec Angela.
La police et la presse, attaquant une mère paralysée
Il y a eu ensuite quelques semaines d’adaptation aux conditions sévères du système médical de Moldavie. Angela a été placée dans la section de thérapie intensive de l’Institut de Neurologie et Neurochirurgie de Chisinau. Entre temps, un journal de Chisinau a décrit son histoire, en mettant à la fin l’opinion d’un anonyme : « Elle faisait le ménage dans la maison d’une Italienne âgée. Celle-ci est morte et jusqu’à l’arrivée de ses proches, la Moldave a réussi à tout soustraire de la maison. Elle a envoyé chez elle, en Moldavie, une partie des affaires de la maison, une autre partie, elle les a vendues en Italie. Quand les proches sont venus et ont découvert l’état de la maison, ils l’ont battue jusqu’à ce qu’ils lui ont détruit tous les organes ».
Les correspondants de ce journal n’y ont pas inséré la réaction d’Angela à cette accusation, ni celle de sa famille. Quelques jours après, Andrei a été appelé sur son portable par un représentant du Ministère de l’Intérieur et a été invité d’urgence à Chisinau. Ce fut la première et la dernière fois quand cette famille a été contactée par les autorités moldaves. Andrei a laissé ses trois enfants à la maison et il est venu au Ministère. Ici, on lui a montré l’article du journal et lui ont demandé des explications sur les choses volées par Angela.
« J’ai été choqué. Je ne savais rien sur ces accusations-là. Je ne savais rien sur cet article-là. Je ne savais pas quoi dire aux policiers. Je ne savais pas quoi dire à Angela sur toutes ces accusations-là », nous a dit Andrei. Quelques semaines après, la direction de l’hôpital a annoncé à Andrei que sa femme devait être transférée à l’hôpital de Hancesti. Le 15 mars, elle a été transférée dans une situation critique. Elle avait au dos une énorme nécrose musculaire. Elle a été soumise à une intervention chirurgicale pour lui enlever la partie nécrosée, mais la plaie restait ouverte.
« Pleine de vie et avec le désir de travailler »
Quelques jours après, notre rédaction a reçu une lettre d’Italie, de l’ancienne patronne d’Angela, Gabriella Fagotto : « Pendant la période quand elle a été dans notre famille, j’ai connu Angela comme une personne correcte, pleine de vie et avec le désir de travailler. J’ai vu en elle une personne honnête et de confiance. Il est exclu qu’Angela ait été battue comme a écrit le journal de Moldavie ».
Angela a revu sa maison rénovée et ses enfants plus matures le 28 avril 2007, après 3 ans d’absence. La plaie de son dos ne lui permettait même de se mettre dans le fauteuil roulant. Andrei, son mari avec un seul rein, prenait soin d’elle et de leurs trois enfants. Tous les jours, il changeait les pansements, il lui faisait du massage, cuisinait, apportait de l’eau à la maison, lavait la linge. Les trois frères - Ion, Vasile et Andrei - ont appris, eux-aussi, beaucoup de choses, y compris à manier une bêche.
Demain, Angela aurait célébré son 33-ième anniversaire. Jeudi dernier, elle s’est séparée de son mari et de ses trois enfants pour toujours…
P.S. La famille Chitanu exprime des remerciements sincères au médecin Maurizio Cazzaniga de l’hôpital de Como, Italie, à Maria Cebanu, médecin d’Italie, à la journaliste Alessandra Zumthor de la Télévision Suisse et à ses collègues, au nouvelliste suisse Erwin Koch, de même qu’à soeur Michelina de l’Eglise Catholique de Chisinau.
Article publié sur http://www.garda.com.md/137/social/index.php, traduit par Irina Todos.