Moisei Gamburd est né à Chișinău, en 1903. En 1910, sa famille déménage dans le village de Nimoreni, où le chef de la famille avait loué une plantation de tabac et un vignoble.
Dans la famille, Moisei a été éduqué dans une atmosphère religieuse. Le père autoritaire condamnait la passion de son fils pour la peinture qui ne s’inscrivait pas dans les traditions juives. Il aurait préféré que son fils devienne juriste ou ingénieur. Mais les jeunes étaient moins attachés aux traditions séculaires… En 1913, Moisei (que les proches appelaient Monea) est envoyé à Chişinău pour apprendre. A cette époque-là, les Juifs qui parlaient Yiddish constituaient 50% de la population de la ville.
Monea a été fait ses études au lycée pour garçons M. Eminescu où il a appris les langues russe, roumaine et française. En 1918, a été ouverte l’Ecole des Beaux-Arts qui était sérieusement axée sur la peinture classique. Monea a fait 5 années d’études à cette Ecole et a reçu son diplôme.
Le père du jeune Monea décide de l’envoyer apprendre en Occident, à condition que ce soit à une école polytechnique. Mais le jeune artiste ignore cette condition et part en Belgique où il passe avec brio les examens d’admission à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles.
Moisei visite la ville de Paris pour mieux connaître l’impressionnisme, le cubisme et l’expressionisme qui étaient très à la vogue parmi les artistes de l’époque. Il finit ses études à l’Académie Royale, se classant premier au dessin décoratif et deuxième à la composition. Revenu à Chişinău, il participe aux expositions organisées par la « Société de Beaux-Arts de Bessarabie ».
Il envoie ses travaux au Salon Officiel de Bucarest où en1933 sont exposés ses deux portraits de paysans et paysannes de Bessarabie. En 1938, Gamburd a été le favori du X-ième Salon où il a présenté 11 toiles et a été reconnu comme un des meilleurs peintres de Bessarabie.
En 1929, Moisei Gamburd visite la Palestine. C’étaient des motifs sentimentaux qui l’avaient poussé à faire ce voyage, car il n’était pas indifférent à l’égard de l’idée de la renaissance de la vie juive en Eretz Israel. En 1935, il fait le deuxième voyage qui a été interrompu par la guerre italo-abysinienne. Selon les souvenirs de ses proches, il a travaillé dans un kibboutz. Il a peint en charbon des pionniers et des laboureurs de la terre, des malades de malaria, maladie que le pays affrontait à l’époque. Après, il revient en Moldavie où il épouse en 1938 la peintre et scénographe Eugenia Goldenberg, élève du maître Steriadi.
Les portraits d’Eugenia faits par Moisei sont considérés comme l’apogée de son œuvre.
Le couple s’installe à Bucureşti et vit une période très heureuse : Moisei vendait des tableaux et Eugenia travaillait en tant que peintre à une fabrique de textiles.
Mais dans le contexte du marasme de la politique profasciste, la situation des Juifs devient difficile et le couple rentre à Chişinău, chez leurs parents. En 1941, la guerre éclate et sa famille se disperse : les parents se cachent parmi des paysans et le jeune couple – dans le Caucase. En1941, Moisei en enrôlé dans l’armée russe, mais relâché en 1942 pour des problèmes de santé. Ensuite, le couple a dû faire un périple dramatique, parcourant à pied la distance jusqu’à Bakou, après – jusqu’en Asie Centrale, arrivant à Tachkent. Après la guerre, en 1944, ils reviennent à Chişinău qui était en ruines. Ils ne retrouvent aucun tableau dans leur maison. Sous les impressions de la guerre, nait un tableau extraordinaire intitulé « Les partisans sur le bord du Dniestr » qui est considéré comme une fierté nationale.
La situation politique sous Staline devient insupportable : Eugenia Gamburd est exclue de l’Union des Artistes Plastiques sous le prétexte du « formalisme et de la passivité ». Une série d’événements regrettables se sont ensuite succédés : démolition de la culture juive, destruction de plusieurs artistes talentueux considérés comme des espions, sionistes, serviteurs de la bourgeoisie. Moisei Gamburd se voit reprocher la participation à la « culture bourgeoise ».
En janvier 1954, au Musée National des Beaux-Arts de Moldavie a été inaugurée une exposition personnelle de Moisei Gamburd. C’était un hommage rendu à l’occasion de son 50e anniversaire et des 25 ans d’activité en tant que peintre. Il a reçu une félicitation de la part du Gouvernement qui a mis en évidence son « succès dans la description de la grandeur de l’époque socialiste ». Mais le peintre réalisait, en comparant sa nouvelle exposition avec celle de la période pré-soviétique, sa décadence et l’écartement des critères éthiques et esthétiques. Il sentait que son essence créatrice se ruinait.
En juillet 1954, le peintre met fin à sa vie, fait qui a bouleversé ses amis et proches. Or, personne n’avait soupçonné la dépression qui le rongeait. Les autorités ont interprété ce suicide comme un rejet de tout le système et ont interdit aux artistes de prendre part aux funérailles.
Deux ans plus tard, la femme de Moisei, Eugenia, s’est éteinte, elle-aussi, laissant leur fille Miriam orpheline. La fillette n’avait que 9 ans et a été élevée par la grand-mère. S’étant plus tard établie en Israel, Miriam Gamburd a pris le relais de ses parents, devenant une importante artiste plastique, sculptrice, professeur et mentor des jeunes générations d’étudiants et des amateurs d’art.
Article repris sur le portail http://www.timpul.md/articol/personalitatea-zilei--moisei-gamburd-unul-din-cei-mai-buni-pictori-basarabeni-58958.html
Traduit pour www.moldavie.fr