
Le nom laïque du métropolite Vladimir est Nicolae Cantarean. Il a fait son service militaire dans la marine soviétique, à Sébastopol, sur le croiseur « Moscou ». La presse de Chișinău l’a qualifié, à plusieurs reprises, de produit du KGB. Avant d’être délégué, en 1989, par le patriarcat russe en Moldavie (soviétique à l’époque), Nicolae Cantarean détenait le grade de capitaine. Lorsqu’il était déjà métropolite de Moldavie, le Ministère de la Défense lui a accordé le grade militaire de colonel -chose inexplicable, compte tenu de sa position ecclésiastique.
D’ailleurs, le métropolite Vladimir est originaire de la région ukrainienne de Tchernovtsy, comme le métropolite d’Ukraine, Onuphre. La différence c’est que l’église ukrainienne s’est séparée de celle russe après le déclenchement de la guerre.
Maintenant, alors que les missiles russes détruisent des villes et tuent des civils en Ukraine, le métropolite Vladimir prie pour le patriarche russe qui justifie la guerre de Poutine contre l’Ukraine. L’explication du métropolite Vladimir est qu’il prie pour que Dieu donne au patriarche de la sagesse, pas pour le pouvoir de faire ce qu’il fait.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’interview du reporter de DW que le métropolite a donnée dans son bureau, où l’on voit toujours la fameuse parure de bureau, de couleur verte, identique à celle qu’on voit dans le bureau de Poutine. D’ailleurs, y a quelques années, l’ex-président moldave pro-russe, Igor Dodon, avait un organisateur similaire de bureau. Les journalistes avaient constaté que cette parure coûtait l’équivalent d’à peu près 5 000 Euro.

DW : Nous vivons des temps troubles et il serait opportun d’entendre des appels à la paix de la part de l’Église. Les gens paniquent, ils ont peur de la guerre et les exhortations à la paix de la part de l’Église devraient couler sans cesse, paraît-il. Mais on ne les entend pas du tout. Pourquoi ?
Le métropolite Vladimir : A partir de l’an 1989, lorsque je suis devenu le primat de de l’Église orthodoxe de Moldavie, j’ai eu, le long de plusieurs années, de très bonnes relations avec les autorités de l’État. Nous avions souvent des rencontres soit à l’occasion des fêtes religieuses, soit simplement pour discuter des besoins ou des lois de l’église. C’est notre devoir de prier pour ceux qui sont à la tête du pays. On le faisait même sous l’URSS. C’est ce que nous faisions toujours - nous priions pour le pays et pour le patriarche. Mais les choses ont changé.
DW : Qu’est-ce qui a changé exactement ?
Le métropolite Vladimir : Les relations entre les autorités de l’État et l’Église. Avant, les messes célébrées à la cathédrale étaient diffusées en direct à la télévision, mais dernièrement quelque chose s’est passé. Nous sommes rejetés, comme si nous n’étions pas des membres de cette société. Et cela pour la simple raison que nous, canoniquement, nous sommes subordonnés au patriarcat de Moscou.
DW : Compte tenu des actions du patriarche, cette réticence est peut-être justifiée ?
Le métropolite Vladimir : Je n’ai pas le droit de juger les actions du patriarche. En tant que métropolite, mon devoir est de prier pour que Dieu lui donne de la sagesse, de prier pour les dirigeants de notre État et pour ceux qui m’entourent. Notre mission est de prier le bon Dieu pour qu’il nous donne de la tranquillité et de la paix.
Dès les premiers jours de la guerre, nous avons condamné l’agression russe et nous nous sommes impliqués dans l’aide aux réfugiés. Chaque jour, pendant trois mois, nous préparions des déjeuners pour eux - de 1500 à 3000 déjeuners. Nous avons envoyé des camions avec des dons alimentaires en Ukraine. Nous avons hébergé plus de 100 réfugiés dans nos monastères. Même ici, dans le siège principal de l’Eglise orthodoxe, nous avons hébergé trois familles. Personne ne veut parler de ces actions, mais des informations négatives sont vite propagées.
DW : J’ai remarqué que vous appelez ce qui se passe en Ukraine « guerre » et « agression », pas - « opération militaire spéciale », comme l’appelle le patriarche russe.
Le métropolite Vladimir : Oui. J’ai été accusé de prier pour le patriarche. A chaque Sainte Liturgie, je fais une prière spéciale dans laquelle je prie pour la fin de la guerre en Ukraine. Et je n’hésite pas de dire clairement « la guerre en Ukraine » dans cette prière.
DW : Vous savez qu’en Russie on évite d’appeler ce qui se passe en Ukraine une guerre ?…
Le métropolite Vladimir : Oui. Nous avons en Russie une église qui nous appartient. A ma demande, elle nous a été donnée par le patriarcat en 2015. J’y ai fait une liturgie avec des prières pour les malades, mais à Chișinău, j’ai été accusé d’avoir prié pour Poutine. Je n’ai jamais prié pour Poutine ! Je vous le dis sincèrement.
DW : J’ai vu une interview dans laquelle vous dites que vous priez pour le patriarche et l’armée. Pour quelle armée priez-vous ?
Le métropolite Vladimir : Pour l’Armée nationale de la Moldavie. Nous prions pour les dirigeants du pays et pour notre armée. Le patriarche de Moscou est le chef de l’église et suis obligé de le mentionner pendant les messes. Et je ne dis pas « Dieu, donne-lui la force de faire ce qu’il fait », mais je prie pour que Dieu lui donne de la sagesse.
DW : Mais vous voyez l’attitude du patriarche russe envers la guerre. Il justifie cette guerre, fait pour lequel il a été publiquement blâmé plusieurs fois. N’avez-vous pas des ressentiments lorsque vous priez pour quelqu’un qui justifie la guerre ? Une guerre qui tue des civils, des enfants…
Le métropolite Vladimir : J’ai de la douleur dans mon âme. Mais je pense à mes péchés et je prie pour nos dirigeants et notre armée. Mais au cas où, Dieu nous en garde, la guerre nous touchait, je serais obligé de bénir notre armée pour défendre notre pays.
DW : D’un côté, vous dites que si nous étions en danger, vous prieriez pour notre armée, mais maintenant vous priez pour le patriarche de Russie qui justifie l’agression contre les Ukrainiens… Si la Russie nous attaquait, prieriez-vous encore pour le patriarche Kirill ?
Le métropolite Vladimir : Le patriarche serait avec son pays et moi - avec le mien. Moi, je prierais pour mon pays et les dirigeants de mon pays.
DW : Vous avez du sang ukrainien dans vos veines. Comment avez-vous vécu ces 11 mois de guerre ?
Le métropolite Vladimir : Évidemment, j’ai mal au cœur pour un pays et pour l’autre… En cas de danger, il faut trancher. Je ne peux pas laisser l’Ukraine de côté. Je suis citoyen de l’Ukraine. C’est en Ukraine, mon foyer parental.
DW : Et vous êtes aussi citoyen de la Russie.
Le métropolite Vladimir : Oui, je suis aussi citoyen de la Russie.
D’après une interview publiée sur https://www.dw.com/ro/%C3%AEps-vladimir-nu-m-am-rugat-niciodat%C4%83-pentru-putin-dac%C4%83-ar-fi-atacat%C4%83-moldova-a%C8%99-binecuv%C3%A2nta-armata-na%C8%9Bional%C4%83/a-64428328?maca=rum-rss-rom-moldova-4125-xml-mrss
Le 22 janvier 2023