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La Roumanie, l’espace Schengen et la Moldavie

Article par Florent Parmentier*

Incontestablement, la Roumanie apparaît en moins bonne position au sein de l’Union européenne qu’il y a quelques années. Lors de son adhésion en 2007, elle était en pleine croissance, le rattrapage économique était alors un objectif à moyen terme. Cette même année, elle avait proposé une initiative diplomatique, celle de la « Synergie de la mer Noire », qui montrait un nouvel activisme sur la scène internationale ; bien sûr, une « synergie » ne signifie au fond que la synthèse de ce qui existait déjà, mais c’est l’affirmation d’une nouvelle posture qui tranchait après plus d’une décennie à poursuivre l’objectif de l’intégration à l’OTAN et à l’UE.

En 2011, c’est un pays moins performant économiquement, et critiqué notamment pour des problèmes récurrents : la corruption, la lutte contre la criminalité organisée, l’indépendance de la justice, mais aussi la question de la minorité Rom, qui a rebondit en France cet été après avoir été évoquée en Italie quelques temps avant.

C’est plus particulièrement en raison de la question Rom que la Roumanie doit sa mise à l’index depuis la mi-2010 : l’Allemagne, la France et la Finlande ont ainsi pris position pour ne pas inclure Bucarest dans l’espace Schengen. Pour mémoire, celui-ci doit permettre la libre circulation de tous les citoyens des Etats-membres, harmoniser le contrôle des frontières extérieures et mettre en place une coopération efficace en matière judiciaire et policière. A l’heure actuelle, les frontières de Schengen ne se superposent pas à celles de l’Union européenne : certains Etats ont souhaité s’exclure de la zone Schengen (la Grande-Bretagne ou l’Irlande), certains Etats non-membres en font partie (l’Islande et la Norvège), les autres étant en attente sur ce dossier… La Bulgarie n’est ainsi pas en meilleure position que la Roumanie pour accéder rapidement à cet espace, synonyme d’intégration complète au sein de l’UE, au même titre de l’adhésion à l’euro.

Cette affaire n’est pas sans incidence pour la Moldavie. Les déclarations du Ministre des Affaires Européennes français Laurent Wauquiez stigmatisant au début de l’année le fait que « 75% de l’immigration illégale en Europe passe par cette partie sud-est de l’UE » n’est pas fait pour rassurer. Outre que l’on peut questionner ce chiffre, on ne voit pas comment la Roumanie pourrait avoir une géographie plus favorable qu’aujourd’hui : c’est précisément parce qu’elle se situe sur des routes de transit qu’il s’agit d’un Etat important et qu’une coopération est nécessaire à tous les niveaux. Les critiques envers la Roumanie ne sont pas toutes illégitimes, mais elles ne peuvent pas tenir lieu de politique : l’enjeu est précisément de travailler avec la Roumanie, et plus encore pour les Roumains. Les investissements massifs faits pour sécuriser les frontières extérieures, tant pour mettre à niveau les équipements que pour former des policiers frontaliers, ont semble-t-il en partie convaincu la Commission, mais cela n’était pas nécessairement le cas pour les Etats-membres. Certains d’entre eux s’inquiètent de la baisse de salaire importante des douaniers roumains, ce qui constitue une incitation à trouver des compensations, à un moment où l’Agence nationale pour l’intégrité (anti-corruption) a vu également son budget baisser.

Si Bucarest est dans le collimateur, cela met donc assurément dans l’embarras Chisinau. Non pas que la question Rom se présente ici avec la même acuité : en effet, il s’agit d’un groupe très minoritaire, présent essentiellement dans le Nord du pays. Les vrais problèmes migratoires se situent plutôt au niveau des frontières gréco-turque et bulgaro-turque. En dépit des accusations de porosité, la frontière moldavo-ukrainienne ou la question transnistrienne ne présentent certainement pas le même potentiel de déstabilisation. Le limogeage du directeur des douanes roumain le 10 février dernier, de même que l’enquête visant plusieurs dizaines de douaniers roumains travaillant le long de la frontière moldave montrent l’importance de l’enjeu. Les critiques, pas toujours injustifiées envers la Roumanie, tendent en réalité à affaiblir la position des voisins d’Europe Orientale, notamment en ce qui concerne les accords concernant la liberté de circulation.

Espérons que l’arrivée d’un nouveau Ministre des affaires étrangères en France, Alain Juppé, beaucoup plus apprécié au Quai d’Orsay que ses prédécesseurs récents, sera l’occasion d’apaiser les relations franco-roumaines à un moment où les regards se tournent dorénavant vers le Sud de la Méditerranée. S’il convient dès à présent d’actualiser le Partenariat stratégique signé entre les Présidents Sarkozy et Basescu en février 2008, il est à souhaiter qu’au-delà de la question de l’inclusion de Roms et de l’espace Schengen, le cas de la Moldavie soit posé à ce moment, et en des termes positifs. Cela serait particulièrement bienvenu au moment où la présidence polonaise, qui ne cache pas son intérêt pour les pays du Partenariat oriental, commence à se préparer.

* Dr. Florent Parmentier, est directeur de programmes et enseignant à Sciences Po Paris, et vice-président des « Moldaviens » (www.moldavie.fr). Il a publié « Moldavie. Les aoûts de la francophone » paru aux Editions Non Lieu (Paris 2010) et traduit en roumain – « Moldova. Atuurile francofoniei » (Chisinau, ARC, 2010).

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