Les horreurs du génocide en Europe pendant la Seconde Guerre Mondiale, y compris l’extermination des Juifs en Transnistrie, sont capturées en 32 photos d’archives exposées au Musée National d’Histoire et d’Archéologie à Chisinau. Parmi les six millions de victimes de l’Holocauste, une des plus grandes tragédies de l’Europe, il y a eu des milliers de Juifs de Bessarabie et du nord de la Bucovine.
Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, ils ont été déportés dans des camps de concentration dans la province de Transnistrie, créée par le régime du maréchal Ion Antonescu, allié de l’Allemagne nazie, dans les territoires ukrainiens conquis, entre le Dniestr et le Bug. Avec les Juifs, plusieurs milliers de Roms et des représentants d’autres minorités, considérées inférieures à la race aryenne, ont également été envoyés à l’extermination.
« L’hiver 1941-1942 a été dur en Transnistrie. Des milliers de Juifs sont morts d’hypothermie, de famine et de diverses maladies. Cet hiver-là, dans les camps de Bogdanovka, Domanovka et Akmecetka, des milliers de Juifs exilés ont été assassinés par des troupes roumaines, aidées par des troupes ukrainiennes », est-il mentionné dans les documents de Holocaust Memorial Museum des États-Unis.
L’histoire qui fait mal
Les souvenirs de ces temps de cauchemar sont évoqués dans une exposition de photos ouverte récemment au Musée National d’Histoire et d’Archéologie de Moldavie, en la présence des survivants des ghettos de Bessarabie et de leurs proches. Les 32 photos qui surprennent le génocide nazi sont exposées dans une salle voisinant à la salle des victimes des déportations et des répressions de la période soviétique. 14 photos ont immortalisé les souffrances des Juifs de Bessarabie et de Bucovine : l’image de Moissi Brandmann, un jeune roumain se trouvant dans un camp de concentration en Transnistrie depuis novembre 1941 jusqu’en mai 1944 ; des soldats allemands abattant un Juif ukrainien à genoux au bord d’une fosse commune, remplie de cadavres ; des soldats roumains surveillant la déportation des Juifs de Chisinau en Transnistrie en octobre 1941.
Devant une photo, j’ai trouvé Vladimir Ţincler (77 ans), l’un des survivants du ghetto d’Ukraine. Les images lui rappellent son enfance passée dans le camp. « A l’époque, j’avais à peu près cinq ans. Nous dormions dans une crèche, sur le ciment, c’était l’hiver et nous avions faim. Partout, il y avait des cadavres. Nous mangions des pommes de terre. C’était extraordinaire quand on trouvait du maïs », se souvient l’homme. Il dit que c’est « par hasard » qu’il est resté en vie. « Mes parents étaient des tailleurs, les nazis les avaient obligés de tailler des uniformes militaires, c’était pourquoi on ne nous avait pas tués. Nous étions des enfants, nous ne savions pas ce que nous avions fait de mal. Nous ne comprenions pas pourquoi cela nous arrivait », se plaint l’un des 98 survivants des ghettos de Moldavie. « Je suis un homme adulte, mais quand je m’en souviens, des larmes me coulent. Au Mémorial des victimes de l’Holocauste Yad Vashem en Israël on a planté des arbres en l’honneur des familles moldaves qui avaient sauvé des Juifs. Nous voulons qu’aucun peuple ne souffre jamais le cauchemar qui nous est arrivé », souligne Vladimir Ţincler.
Envoyé en Sibérie
Stella Harmelin est venue avec des souvenirs similaires issus des récits de ses parents. « A l’époque, les familles juives étaient grandes. Lorsque la guerre a commencé, beaucoup de gens sont morts, et maintenant certains ne savent même pas où leurs parents, leurs enfants sont enterrés. Je ne sais pas où est mon grand-père parce que toute la famille s’est trouvée dans un train sur lequel une bombe est tombée », a déclaré la représentante de la communauté juive. « Il y a des souvenirs qui font mal. Mon mari, qui vivait alors en Pologne, lui-aussi a survécu. Il n’avait que 17 ans, et il s’était caché chez un voisin. Plus tard, il a fui vers la frontière soviétique, mais a été capturé et envoyé en Sibérie. Il dit très souvent qu’il ne veut plus se souvenir des horreurs vécus », a-t-elle ajouté.
« On nous avait promis un musée »
Emus, pleins de souvenirs dont ils ne voudraient plus se rappeler, les représentants de la communauté juive ont noté que ces mesures étaient nécessaires pour que la tragédie qui avait marqué l’histoire européenne ne soit pas oubliée. « Il ne s’agit pas seulement d’une minorité. C’est le problème de la société entière, parce qu’en Bessarabie la vie des Juifs n’a pas été plus facile ou plus simple. L’intention d’anéantir les Juifs a été la même en Hongrie, Allemagne, Italie, etc. Il y a exactement un an, le 27 janvier, quand nous avons marqué la Journée des victimes de l’Holocauste, le Premier-ministre de l’époque Vlad Filat nous a promis un musée de l’Holocauste. Rien n’a été fait. Mais on espère toujours », a déclaré Irina Şihova, le directeur du Musée juif du Centre Culturel KEDEM à Chisinau.
Presque 270.000 Juifs de Bessarabie, Bucovine du Nord et Transnistrie ont été morts affamés ou abattus par les nazis et leurs alliés de Roumanie et Ukraine. William H. Moser, l’ambassadeur américain en Moldavie
Une tragédie décrite sur la portée
Les visiteurs de l’exposition présents à l’inauguration ont pu écouter des fragments de « Différent trains », quatuor à cordes signé par l’Américain Steve Reich. La pièce évoque la tragédie des victimes transportées en train vers la mort. « Le noyau de ce travail sont les voix des survivants de ces événements, conjugués avec des sons réels des trains de l’époque », a déclaré William H. Moser, ambassadeur des États-Unis à la République de Moldavie.
Article de Virginia Dumitraş, repris sur le site http://adevarul.ro/moldova/actualitate/holocaust-basarabia-1_52ee9f36c7b855ff56044b97/index.html
Traduction en français - Daniela Smetanca