1) Vous connaissez bien l’Europe Orientale. Quels avantages comparatifs offre la Moldavie par rapport à ces voisins ?
Si je ne devais mentionner qu’un seul avantage par rapport aux pays voisins, je soulignerais l’étonnante situation linguistique en Moldavie. En effet, la population autochtone est naturellement bilingue : les Moldaves parlent le Roumain, leur langue maternelle, et le Russe, langue imposée dans toutes les anciennes républiques de l’ex-URSS. Le fait d’être bilingue n’est pas unique en Europe de l’Est, mais en Moldavie on parle deux langue de familles linguistiques différentes, avec deux systèmes d’écriture différents (le Roumain est une langue latine et le Russe - slave) ce qui est exceptionnel. D’autant plus que ce sont des langues parlée dans les pays voisins, la Roumanie, l’Ukraine et la Russie. Ajoutons à cela le Français qui est enseigné dans les écoles, l’expansion de l’Anglais, et on se retrouve avec une armée de jeunes parlant 4 langues étrangères, désireux d’apprendre et de réussir. Vu sa position géographique, c’est un excellent endroit pour implanter un Bureaux de Représentation ou même un siège dès qu’on veut développer ses activités à la fois en Roumanie et en Ukraine, marchés nettement plus importants en terme de nombre de consommateurs potentiels. Malheureusement, toutes les conditions ne sont pas réunies pour qu’un tel modèle marche réellement. Si on parle d’avantage comparatif, il n’est que potentiel aujourd’hui. A mon avis, les autorités moldaves sont parties sur des fausses pistes, et je ne connais pas de stratégie clairement énoncée en Moldavie à ce sujet. Beaucoup parlent aujourd’hui d’une main d’œuvre qualifiée et peu chère, mais, premièrement, ce n’est pas / plus vrai si on parle qualification et ce n’est pas un avantage par rapport aux pays voisins.
2) Que pensez-vous de la présence française sur place ?
Les entreprises françaises sont très peu présentes sur place. Certes on retrouve de grands groupes comme Lafarge, France Telecom (Voxtel), mais la liste est trop courte. Les PME ne suivent pas. On pourrait bien évidemment invoquer la situation macroéconomique peu propice aux IDE, mais la présence des entreprises allemandes, italiennes ou turques infirme cette hypothèse. On pourrait parler plutôt d’une autre forme de présence qui fait défaut, celle institutionnelle. Paradoxalement (car la Moldavie fait partie de la Francophonie), jusqu’à il y a peu, la France n’avait même pas de service consulaire en Moldavie, et toutes les prestations étaient assurées par le Consulat allemand. Tenant compte du fait que, traditionnellement, le lien entre les institutions publiques et le monde des affaires en France est très fort, ça pourrait bien être une explication. L’exemple de la Roumanie, pays voisin et très proche culturellement, est éloquent. La France est le premier investisseur étranger dans ce pays depuis plusieurs années. L’ancien Premier Ministre roumain, Adrian Nastase est francophone et est connu pour entretenir des « relations d’amitié » avec les grands noms de l’industrie française…
3) Comment accueillez-vous la nouvelle de la formation du Centre d’Affaires Franco-Moldaves ?
C’est peut-être le maillon qui manquait. Avoir un interlocuteur sur place, pouvoir bénéficier de l’expérience des premiers pionniers, d’un réseau de relations, de conseils pratiques peut considérablement faciliter une nouvelle implantation, surtout si elle n’est pas importante et si elle ne suscite (malheureusement) pas l’intérêt des autorités locales. Cela peut être également un facteur de décision important qui déclancherait le passage à l’acte, étant donné l’opacité et le manque d’information de toute sorte en Moldavie. Ceci dit, sans un effort considérable de la part des pouvoirs publiques pour améliorer le climat d’affaires, notamment en ce qui concerne les PMI / PME, il est illusoire d’espérer que les entrepreneurs se bousculent pour s’implanter en Moldavie.
Propos recueillis par Florent Parmentier, analyste-politique pour Moldavie.fr