Article de Gilles Ribardière
Depuis les élections parlementaires de novembre 2014, la situation politique en Moldavie n’est pas simple à saisir. Le gouvernement dispose d’une majorité fragile, le personnel politique est vivement contesté par une part importante de la population et cela dans un contexte géopolitique agité, avec le voisin ukrainien en situation de guerre civile, ainsi que la Russie de Poutine pour le moins attentive à ce qui se passe dans le pays… Et dans un peu moins d’un mois nous aurons les élections municipales. Ne soyons donc pas étonnés de constater une certaine nervosité qui se traduit par des manifestations plutôt massives, mais circonscrites à la capitale, et de l’agitation dans le champ politique.
Des manifestations
Le 4 mai dernier, 40000 personnes (10000 selon d’autres observateurs) ont défilé à Chisinau pour dénoncer la corruption qui mine le pays ; les manifestants demandèrent à cette occasion à la fois la dissolution du Parlement et la résignation du gouvernement. En fait, le pays est rongé par ce cancer qui implique des leaders politiques en vue dans la précédente et actuelle majorité pro-européenne. Un fait illustre ce climat de corruption : 1 milliard d’Euros a disparu. Donald Tusk, Président du Conseil Européen en demande la restitution ; il insiste aussi pour que les coupables du détournement soient condamnés. Pour l’heure Ilan Shor, président de la Banca de Economii, semble-t-il très impliqué dans le détournement, est assigné à résidence …
Une autre manifestation s’est déroulée à Chisinau le 16 mai pour un tout autre motif : 10000 personnes ont en effet défilé en faveur de l’union avec la Roumanie. A coup sûr, cela ne peut qu’aggraver la coupure avec les tenants d’un rapprochement avec la Russie, sachant que le parti politique qui soutient cette orientation pro-russe – le Parti des Socialistes de la République de Moldavie - est arrivé en tête des élections de novembre et que les sondages à un mois des municipales le placent largement en tête (23,9% devant le Parti des Communistes et le Parti Libéral qui oscillent chacun autour de 16%).
Un paysage politique mouvant
Mais ces manifestations ne sont pas le seul indicateur d’une certaine nervosité dans le climat politique du pays. Il faut ajouter le surgissement de nouveaux partis. Nous venons d’évoquer le Parti des Socialistes d’Igor Dodon qui, quelques semaines après sa création en automne 2014, est donc arrivé en tête des élections parlementaires et dont la proximité avec Vladimir Poutine est de notoriété publique. Le fossé risque d’être considérable avec le Parti Populaire Européen de Moldavie, que met en place en ce moment l’ancien premier ministre, Iurie Leanca, qui a porté avec détermination le processus de signature de l’accord d’association avec l’Union Européenne, ce que veut remettre en cause Igor Dodon.
Quant à la Gagaouzie, elle confirme son orientation pro-russe avec l’élection le 15 avril dernier de Irina Vlah en tant que gouverneur (bachkan) de la région, celle-ci ayant mis en avant pour sa campagne le slogan « Ensemble pour la Russie ». L’enjeu des élections municipales du 14 juin dépasse largement le contexte local. Elles interviennent en fait peu de temps après les élections parlementaires ; ainsi les motifs qui ont donné les résultats très partagés que l’on sait sont toujours là. Toutefois, au moins un facteur peut infléchir le rapport de forces, à savoir l’affaire du milliard d’Euros volatilisé, affaire qui aussi peut avoir pour effet d’augmenter considérablement l’abstention.